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    L’Etat français


    Le régime de Vichy

     

    Appel du maréchal Pétain, le 17 juin 1940.

    « Français ! A l’appel de monsieur le Président de la République, j’assume à partir d’aujourd’hui la direction du Gouvernement de la France. Sûr de l’affection de notre admirable armée qui lutte, avec un héroïsme digne de ses longues traditions militaires, contre un ennemi supérieur en nombre et en armes. Sûr que, par sa magnifique résistance, elle a rempli nos devoirs vis-à-vis de nos alliés. Sûr de l’appui des Anciens Combattants que j’ai eu la fierté de commander, sûr de la confiance du peuple tout entier, je fais à la France le don de ma personne pour atténuer son malheur.

    En ces heures douloureuses, je pense aux malheureux réfugiés qui, dans un dénuement extrême, sillonnent nos routes. Je leur exprime ma compassion et ma sollicitude. C’est le cœur serré que je vous dis aujourd’hui qu’il faut tenter de cesser le combat. Je me suis adressé cette nuit à l’adversaire pour lui demander s’il est prêt à rechercher avec nous, entre soldats, après la lutte et dans l’Honneur les moyens de mettre un terme aux hostilités.

    Que tous les Français se groupent autour du Gouvernement que je préside pendant ces dures épreuves et fassent taire leur angoisse pour n’écouter que leur foi dans le destin de la Patrie. »

    Clé de voute des nouvelles institutions, le maréchal Pétain prétend redresser intellectuellement et moralement la France en construisant une nouvelle société grâce au programme de la Révolution nationale, qui renoue avec les valeurs traditionnelles du travail, de la famille et de la patrie, qui ont fait «la cohésion et la grandeur de la Nation française».

    La Révolution nationale condamne l'individualisme et l'égalitarisme de la Révolution française, se défie de l'industrialisme et rejette le libéralisme culturel, en affirmant un nationalisme fermé et ethnocentrique. Mélange de traditionalisme réactionnaire, de populisme, mais aussi de catholicisme social et des courants libéraux, technocratiques et modernistes,la Révolution nationale dessine une vision de la société dans laquelle les individus ne sont plus libres et égaux en droit, mais subordonnés hiérarchiquement à des «corps naturels», famille («cellule initiale de la société»), corporation, province et patrie. Elle emprunte également à l'idéologie fasciste en exaltant la mystique du chef, la primauté du travail et en prônant le retour à la terre.

    Régime autoritaire et charismatique, l'Etat français supprime le suffrage universel et interdit toute vie politique. Les syndicats sont dissous, la presse étroitement surveillée. Le redressement national nécessite les exclusions des éléments de «l'anti-France» (communistes, francs-maçons, juifs et étrangers) par la révision des naturalisations accordées depuis 1927 ; la dissolution des loges franc-maçonnes ; les arrestations massives de communistes ; la promulgation d'un statut des juifs et l'abrogation du décret Crémieux, qui accordait la nationalité française aux juifs d'Algérie ; l'autorisation donnée aux préfets d'interner administrativement, sans limite de temps, les juifs étrangers.

    L'Etat français tente de mettre hors d'état de nuire tous les ennemis déclarés ou supposés du régime et les responsables de la défaite. Le général de Gaulle est condamné à mort pour trahison. Les anciens ministres socialistes du Front populaire, Jules Moch, Vincent Auriol, Marx Dormoy et leur chef, Léon Blum, ainsi que Paul Reynaud, Edouard Daladier et le général Gamelin sont arrêtés.

    Célébrant les paysans et les artisans, piliers du nouvel ordre économique, le maréchal Pétain appelle à la réorganisation d'une économie corporative, organisée et contrôlé par ses propres représentants. Mais les contraintes de la guerre obligent l'Etat français à renforcer le contrôle étatique sur l'économie et à privilégier la productivité industrielle et agricole pour satisfaire les besoins de l'effort de guerre allemand.

    Crée en août 1940, la Légion française des combattants est le rassemblement unique des anciens combattants des deux guerres. Disposant d'importants moyens de propagande, elle constitue un relais de la Révolution nationale, qu'elle doit expliquer et diffuser.

    Le régime du maréchal Pétain s'efforce de promouvoir une politique de la jeunesse cadrant avec le nécessaire redressement français. Il convient de modeler des jeunes sains sachant penser juste et obéir. Le corps des instituteurs, «pacifistes et internationalistes», est épuré dès juillet 1940. Les écoles normales sont supprimées en septembre 1941. Un secrétariat général à la jeunesse et un commissariat à l'Education générale et aux sports sont créés. S'il n'y pas de mouvement de jeunesse unique, il existe les Compagnons de France, regroupant les jeunes de 15 à 20 ans et destiné à former «l'avant-garde de la Révolution nationale». Les chantiers de la jeunesse, palliatifs au service militaire pour les jeunes en âge de porter les armes, doivent permettre de les arracher «aux dangers de la ville».

    La Révolution nationale

    Le nouvel État français veut refonder les valeurs de la société française : le triptyque « Liberté, Egalité, Fraternité » est remplacé par « Travail, Famille, Patrie », valeurs ancrées au cœur de son programme politique et idéologique. Les Juifs, les communistes, les francs-maçons et les étrangers, jugés responsables de l’effondrement de la France, sont stigmatisés et exclus.

    « La Maison France ». Affiche de propagande du régime de Vichy en faveur de la « Révolution nationale » opposant la solidité de la France de l’ordre au délabrement de celle de « l’anti-France ». © Musée de la Résistance nationale, Champigny-sur-Marne

    « Laissez nous tranquilles ». Affiche de propagande du régime de Vichy contre les forces de « l’anti-France ». © Musée de la Résistance nationale, Champigny-sur-Marne

    Dès l’été 1940, Vichy met en œuvre une politique de « Révolution nationale » pour lutter contre les « ennemis intérieurs » (communistes, Juifs, francs-maçons, etc.). La police et l’administration françaises sont le fer de lance de cette répression. Le choix de la collaboration d’État avec le Reich les placent au service de l’occupant. Une réforme de la police nationale est engagée et des services de police parallèles et spéciaux sont créés pour lutter contre « l’anti-France ». La Préfecture de police de Paris, où une Brigade Spéciale anticommuniste avait été instaurée sous la IIIe République, est renforcée en janvier 1942 par une « BS2 » chargée de traquer les « terroristes », auteurs d’attentats.

     

    Vie quotidienne et système « D »

    Pour améliorer une existence quotidienne rendue difficile par la pénurie, les Français se livrent à la fraude, au marché noir et au système "D" (débrouillardise). Pour quelques-uns, ces activités sont sources de profits parfois considérables. L’arrêt des importations et la baisse de la production dus essentiellement aux manques de matières premières et de main-d’œuvre diminuent la quantité des produits disponibles. La pénurie est accentuée par le pillage allemand. Pour améliorer le rationnement, certains citadins se rendent à la campagne pour acheter, à des prix exorbitants, des produits frais. Au retour, il faut échapper aux contrôles des gendarmes et des Allemands, qui fouillent et n’hésitent pas à confisquer, à leur profit, les victuailles. Quelques privilégiés ont un coin de jardin et cultivent des légumes. L’apparition la plus spectaculaire est certainement celle du gazogène. Cette invention, qui date de 1923, équipe plus de 50 000 véhicules en 1941 (moins de 10 000 en 1939). L’inconvénient majeur de ce procédé de propulsion transformant un combustible solide en gaz, est son volume. Une petite remorque est parfois nécessaire pour abriter cette machinerie. On assiste également au retour en force des véhicules hippomobiles et à l'apparition des vélos taxis, dans lesquels les passagers s’installent à l’abri dans un habitacle exigu, sans grand confort, tracté par un vélo ou un tandem.

     

    La Milice française : Créée en janvier 1943 et placée sous les ordres de Joseph Darnand pour maintenir l’ordre en France, la Milice représente le dernier pas de Vichy vers la collaboration totale avec les nazis. Les miliciens traquent les résistants et les Juifs et se rendent coupables d’assassinats et de pillages.

    • Affiche de propagande du régime de Vichy en faveur de la «Révolution nationale» opposant la solidité de la France de l’ordre au délabrement de celle de « l’anti-France ».
    • Affiche de propagande du régime de Vichy contre les forces de « l’anti-France ».