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    Les lettres de fusillés


    Au centre de l’exposition permanente, deux cimaises affichent 19 portraits, accompagnés de lettres de fusillés, choisis afin de montrer la diversité des fusillés et retracer quelques itinéraires individuels des fusillés de la région Île-de-France :

    - la dernière lettre (une reproduction de l’original avec le texte retapé à côté) ;
    - une photographie du fusillé ;

    - une notice biographique.

    Les portraits sont présentés par ordre chronologique en fonction des dates d’exécution. En introduction, un texte explique les conditions dans lesquelles les lettres de fusillés étaient écrites (ou interdites, selon les cas), selon lesquelles elles parvenaient aux familles, l’utilisation qui pouvait en être faite dans la mémoire…

    1. Lettre de Jacques Bonsergent, fusillé à Vincennes le 23 décembre 1940 à 28 ans.
    2. Lettre de Louis-Robert Peletier, fusillé le 9 août 1941 à la Vallée aux Loups (Châtenay-Malabry), chemin dit de «l'Orme mort».
    3. Lettre de Samuel Tyzelman, fusillé avec son camarade Henri Gautherot, fusillés le 19 août 1941 à la Vallée aux Loups (Châtenay-Malabry), chemin dit de «l'Orme mort».
    4. Lettre d’Honoré d'Estienne d'Orves. Il est fusillé le 29 août 1941 au Mont-Valérien, avec Maurice Barlier et Yan Doornik.
    5. Lettre de Robert Busillet, fusillé au Mont-Valérien le 10 décembre 1941.
    6. Lettre de Jacques Grimbaum, fusillé au Mont-Valérien le 15 décembre 1941.
    7. Lettre de Boris Vildé, fusillé au Mont-Valérien le 23 février 1942.
    8. Lettre de Tony Bloncourt, fusillé au Mont-Valérien le 9 mars 1942.
    9. Lettre de Pierre Rigaud, fusillé le 7 mars 1942, à Carlepont (Oise).
    10. Lettre de Daniel Decourdemanche, dit Jacques Decour, fusillé au Mont-Valérien le 30 mai 1942.
    11. Lettre de Roger Pironneau, fusillé au Mont-Valérien le 29 juillet 1942.
    12. Lettre de Léonce Laval, fusillé au Mont-Valérien le 20 septembre 1942.
    13. Lettre de Pierre Rebière, fusillé le 5 octobre 1942 au stand de tir de Balard à Paris.
    14. Lettre de Jacques Baudry, fusillé au stand de tir de Balard à Paris le 8 février 1943.
    15. Lettre d’André Cholet, fusillé au Mont-Valérien le 13 mai 1943.
    16. Lettre de Claude Warocquier, fusillé au Mont Valérien, le 6 octobre 1943.
    17. Lettre de Georges Geffroy, fusillé au Mont Valérien, le 21 février 1944.
    18. Lettre de Missak Manouchian, fusillé au Mont-Valérien le 21 février 1944.
    19. Lettre de Joseph Epstein, fusillé au Mont Valérien le 11 avril 1944.



     

    Une feuille de papier jaunie sur laquelle, griffonnés au crayon, se lisent un nom de lieu, une date, une adresse à des êtres aimés, la signature familière d'un prénom... Une lettre, en apparence comme toutes les lettres. 

    Pourquoi alors exposer et donner à lire ces courriers intimes ? Les auteurs sont tous des hommes. Les premiers mots annoncent leur mort prochaine. En tête de chaque lettre un nom de prison ou de camp, suivi d’une date entre 1941 et 1944. 

    Qui sont ces hommes ? Pourquoi vont-ils mourir ? 

    Ce sont des Français ou des immigrés, âgés de 16 à 52 ans, originaires des différentes régions de France et issus de toutes les couches de la société. Avec ou sans uniforme, ils s'engagent pour lutter contre l'occupant allemand et le nouvel ordre établi. Ils collectent des renseignements pour les Alliés ou la France Libre du général de Gaulle. Ils organisent des manifestations patriotiques. Ils diffusent des paroles et des informations libres sous la forme de graffiti sur les murs, de tracts ou de journaux clandestins. Ils aident des personnes pourchassées ou persécutées. Ils combattent dans des groupes d'actions directes : sabotages, lutte armée.

    Recherchés et arrêtés par les polices allemandes ou françaises, ils sont internés dans les prisons et les camps de la région parisienne après avoir été condamnés à mort par un tribunal militaire allemand ou désignés comme otages. Durant cet emprisonnement, souvent mis au secret, parfois torturés, ils ne reçoivent de visite ou de colis de leur famille que selon le bon vouloir des autorités.

    Certains arrivent à écrire un ou plusieurs messages à l'insu des autorités. Ceux-ci parviennent aux familles, cachés dans leurs affaires personnelles ou transmis clandestinement par un avocat, par l'abbé Stock (l’aumônier allemand des prisons à Paris) ou par un gardien de prison français ou allemand, au péril de leur vie.

    Un jour, les détenus apprennent qu’ils seront fusillés dans les heures qui suivent. La direction du camp ou de la prison leur propose parfois une feuille de papier et un crayon pour rédiger un message d'adieu : leur dernière lettre. Remise aux geôliers, celle-ci n'est communiquée aux familles que quelques semaines, voire quelques mois après leur exécution. Souvent leurs proches ont déjà appris leur mort par voie d'affiche ou par la presse. Avec cette dernière lettre, la famille reçoit des informations sur la restitution des effets personnels et des indications sur le lieu d'inhumation. La note s'accompagne d'interdictions sévères, en premier lieu celle de ne pas rendre public le texte de la dernière lettre. Malgré ces menaces, les mouvements de résistance les publient dans la presse clandestine. D’autres, parvenues à Londres, sont lues au micro de la BBC.

    La période de la guerre durant laquelle la lettre est écrite, la situation familiale et sociale de chaque auteur, son niveau d'études impriment à chaque texte un caractère unique. Le résultat est un mélange surprenant de thèmes et de discours, porté par une langue riche, souvent imagée, parfois poétique. Encore pleinement dans la vie, ils font une large place au rêve, à la culture. À l'autre, aux autres qu'ils ne reverront pas, ils portent une attention particulière, délicate. Apprivoiser la mort proche, inéluctable, incite un grand nombre de condamnés à éprouver leur croyance ou leur athéisme. La sérénité, le courage n'excluent pas la peur. Enfin, sans illusion, ils rédigent leur dernière lettre en fixant les règles de cette ultime séparation, souvent à la manière d'un testament.

    Un même attachement les unit à la France. Leur patriotisme est généralement fondé sur des valeurs qui excluent le nationalisme et la xénophobie. Les sentiments de haine, même envers l'Allemagne, sont absents de leurs dernières lettres.

    Chacun dit n'avoir rien à regretter. Tous vont en paix avec eux-mêmes, avec leur conscience. Ils quittent une vie qu'ils ont aimée jusqu'à en mourir.

    Dès la Libération, un grand nombre de lettres sont recueillies. Ce sont des originaux ou des transcriptions, manuscrites ou dactylographiées par les familles. Elles sont produites dans le cadre de démarches officielles visant à honorer la mémoire des fusillés, diffusées à des fins de recherche, d’enseignement et d’éducation civique. Elles sont un moyen de conjurer l’oubli.

    Les auteurs de cette exposition ont dû faire des choix au sein des lettres des fusillés d’Ile-de-France. La sélection donne à voir et à comprendre la diversité de la Résistance et des hommes qui, face aux bourreaux, étaient alors le visage de la France.